Un constat : le sens des mots « suivi » et « avancement » est oublié dans les projets
Il n’est pas rare de trouver des entreprises qui font le « suivi d’avancement » de leurs projets. Pourtant, aucun référentiel de bonnes pratiques en gestion de projet ne reprend littéralement cette expression. Ni le PMBok de PMI, ni Prince2, ni l’ICB d’IPMA. Questionner sur le sens du suivi et de l’avancement n’apporte guère que des réponses confuses.
D’où on peut conclure que le suivi est de l’avancement, mais que l’avancement ne doit pas être tout à fait du suivi quoique cela s’y apparente. Peut-être pourrait-on lancer un nouveau concept d’avancement du suivi ?
Malgré tout, nous sommes bien en présence de 2 noms communs distincts.
Le suivi
Le chemin que vous avez suivi
Le suivi est une activité liée au pilotage du projet. Je trouve que la façon la plus simple de l’invoquer est de parler du chemin que l’équipe projet a parcouru. Il suffit dès lors d’inspecter ce qui est réalisé et engagé en lien avec ce qui était initialement prévu. Cette comparaison à la référence permet de mesurer les non-conformités, donner si besoin l’alerte, notifier des écarts ou acter de la conformité. Evidemment, parcourir un chemin consiste à avancer… ou à reculer à bien regarder certains projets. Afin d’éviter toute confusion, substituons ici à la notion d’avancement celle de « progression » chère à Prince2.
Un rituel de suivi parmi tant d’autres : la revue
Le rituel le plus courant pour l’évoquer est la revue que les référentiels glorifient et dont les entreprises abusent. Le terme « revue » se substitue à celui de « réunion ». De la dizaine de réunions qui peuvent émailler le projet, c’est bien la seule qui ne s’appelle pas « réunion » ! Le terme est d’origine militaire et se rapporte à l’inspection menée par le chef militaire pour vérifier l’état des troupes avant de partir à l’assaut. Il peut en profiter pour les galvaniser… Plus prosaïquement, la revue est un lieu de contrôle, de régulation et de validation. Si l’inspection aboutit à une non-conformité, l’équipe s’engager à rectifier le tir. Un prestataire s’engage pareillement à élaborer un plan d’action. Si tout est conforme, l’équipe peut passer à la suite. Bref, il s’agit de prendre une décision entre le report de l’attaque, une solution de repli ou l’avancée ?
Je fais enfin le constat suivant : le suivi nourrit l’avenir sans toutefois en franchir le seuil.
L’avancement pour ce qui reste à faire
Le chemin sur lequel vous allez maintenant avancer
Et l’avancement ? Une autre activité liée au pilotage du projet. Il s’agit cette fois d’évoquer la seule réalité qui compte vraiment dans le projet, ce qui reste à faire jusqu’à l’achèvement du projet ou tout du moins jusqu’à la livraison aux utilisateurs du produit que l’équipe est en train de concevoir et réaliser.
Nous avions évoqué pour le suivi le chemin qui a été parcouru. Nous pouvons désormais évoquer le chemin sur lequel l’équipe avance. L’état d’avancement du projet à une date donnée n’a aucune valeur et ne fait qu’acter ce qui a été réalisé. Le constat qui m’indique que le coup est tiré, ce qui fait d’ailleurs une belle jambe à mon client sauf à considérer qu’il vaut mieux arrêter les frais tout de suite.
Il n’a de sens que dans la projection des objectifs et des résultats attendus pour la suite. Le chemin à parcourir est-il toujours le même ? Y a-t-il d’autres alternatives et selon quels plans d’action ?
Les mêlées quotidiennes Agiles
Les Agilistes l’ont bien compris en instituant des mêlées quotidiennes de 15′ où chaque développeur prend la parole pour dire où il en est (et non pas ce qu’il a fait la veille, ce qui prendrait plus d’un quart d’heure) et évoquer la seule chose digne d’intérêt, ce qu’il va faire aujourd’hui et éventuellement les problèmes qui se dressent sur son chemin. La mêlée correspond à la réunion d’avancement périodique du mode projet classique, un moment où les parties prenantes impactées par ce qui va suivre viennent s’engager à relever le défi en partageant les tâches à accomplir et les problèmes à résoudre.
Distinguer le suivi de l’avancement, un gage d’efficience et d’efficacité
En finir avec la confusion : l’Agile
Les Agilistes ont mis les pieds dans le plat en constatant les errements des réunions de pilotage des projets. Ils ont réinstitué dans Scrum une stricte séparation entre les notions de suivi et d’avancement : d’un côté des revues d’itération ou de sprint dédiées à ce qui a été réalisé ; de l’autre, des mêlées quotidiennes pour parler d’avancement. Et comme j’aime à le dire, quand on fait du suivi, on fait du suivi, pas de l’avancement. L’inverse est vrai. Je note que personne ne se plaint de cette distinction dans les projets Agiles qui semble couler de source.
Relever le défi des mauvaises habitudes
Pourquoi continuer alors à mélanger les 2 notions au niveau du pilotage opérationnel des projets classiques ? Nous n’évoquons pas ici le niveau de pilotage stratégique incarné par un comité de pilotage où le client a besoin d’évoquer et le suivi et l’avancement.
Peut-être le plaisir de faire durer un peu plus longtemps les réunions pour être ensemble même si les parties prenantes impactées par le réalisé ne le sont pas forcément par la suite du projet et se demandent ce qu’il font là, et inversement ? Le plaisir de systématiser les revues cher aux référentiels pour occuper les ressources qui gagneraient sinon du temps pour produire, comme s’il n’existait aucune autre technique pour contrôler, réguler et valider ? Permettre aux équipes de continuer à se plaindre de la longueur et de l’inefficacité des réunions ? Confirmer le précepte qui institue que si quelque chose est utile, il faut toujours s’arranger pour ne pas le faire.
Donner de la cohérence au pilotage de prestataires sur des contrats au forfait
Cette distinction entre suivi et avancement a enfin un intérêt pour les projets qui font appel à des prestataires sur des contrats au forfait. En effetn elle permet de distinguer les obligations de résultats de l’ingérence délictuelle. L’obligation de résultats légitimise le suivi et donc les revues. Ces réunions que les 2 parties doivent tenir « régulièrement » sont des comités de pilotage qui cachent des revues. Dans de tels contrats, l’interdiction de s’intéresser aux moyens mis en œuvre par le prestataire pour atteindre les exigences définies dans le cahier des charges annihile de facto toute volonté de d’avancement.
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