Qu’est-ce qu’un besoin ?
Le triptyque du besoin commence par évoquer… le besoin.
Rien de très original si ce n’est que mon besoin de sommeil ne m’évoque pas une réalité, mais un but que je me fixe, celui de dormir. Il ruisselle de mes mains sans que je puisse réellement l’appréhender. S’il est une réalité, ce n’est que dans la projection d’une potentialité, une élucubration intellectuelle – si tant est que j’en ai réellement besoin.
C’est la raison pour laquelle j’aime bien dire que besoin et but sont les deux facettes d’une même pièce. Pire ! Ils ne font que traduire un héritage du passé qui peut m’accompagner discrètement tout comme s’effacer, voire disparaître.
Une définition normative ?
Cette intensité est bien traduite par la norme NF EN 16271 (Expression fonctionnelle du besoin et cahier des charges fonctionnel) qui définit le besoin comme « l’expression d’un désir ou d’une nécessité. »
Des typologies du besoin
Nous pourrions parler de différentes typologies du besoin pour préciser ce propos. La suite de la définition de l’AFNOR évoque, par exemple, un besoin exprimé ou implicite.
Kano pourrait préciser… Maslow en aurait à redire, et Rosenberg s’immiscerait dans la cpnversation sans virulence. Edward et Richard mettraient leur grain de sel en nous parlant d’autonomie, de compétence et de relation pour notre plus grand épanouissement. Ce n’est pas mon propos.
Les grands standards de projet
Nous pourrions aussi invoquer les définitions des 3 grands standards internationaux de management de projet.
L’ICB de l’IPMA remet le couvert avec l’expression d’attentes ou d’objectifs des parties prenantes.
PRINCE2 le définit au travers du « business case » : le besoin correspond à la justification du projet, c’est-à-dire la raison pour laquelle il est lancé et la valeur attendue.
Le PMBOK de PMI clôt le débat en affirmant que le besoin est l’écart entre une situation actuelle et une situation souhaitée, qu’un projet a précisément pour vocation de combler.
Nous voilà bien avancés !
Voilà ! Le lecteur pourra déjà se nourrir avec ces quelques références. Il pourra perdre patience avec les pseudo-définitions des grands standards. Il pourra aussi compléter, préciser, objecter, objurguer… s’il le désire dans les commentaires.
Le besoin : un vrai problème
Le besoin reste insaisissable dans sa formulation même d’un but à satisfaire. Ceci explique dans le cadrage de projet toute la difficulté de le clarifier.
Certains organismes de formation ou certaines organisations vont jusqu’à éradiquer le problème en ne mentionnant même pas le terme dans leur outil de cadrage !
Pour paraphraser Oscar : « lorsqu’on peut faire quelque chose d’utile, il faut surtout ne pas le faire ! »
Clarifier le problème
Clarifions, confrontons et construisons ensemble le besoin ! Allons chercher dans le passé la référence initiale générant l’écart mentionné dans le PMBok. Evoquons cette situation soi-disant actuelle qui n’est qu’une référence au passé. Que s’est il passé ?
Et lâchons les grands chevaux : quel est le problème ?
C’est sympathique un problème ! Un problème est une difficulté concrète à résoudre. Et si elle n’est pas concrète, il faudra clarifier la problématique, qui sert alors à rendre le problème intelligible et à le situer dans un cadre plus large d’enjeux et de questions.
La mesure comme clé
Le problème me plait aussi car il a l’avantage d’être mesurable.
Mon manque de sommeil est patent puisque je ne dors que trois heures chaque nuit depuis huit jours. Tout comme une commune de plus de 15.000 habitants en deçà du taux de 20 ou 25% de logements sociaux dont le budget est grevé d’une pénalité SRU de tel montant.
Et c’est bien à mon sens la grande différence avec l’autre versant de la pièce – le but – qui, lui, n’est pas (encore) mesurable. Or, n’oublions pas que la mesure est au cœur de toute chose dans le projet. Nous la retrouvons dans les objectifs, dans la survenance des risques, les reportings, les bénéfices,… Elle est intrinsèquement liée à la notion de pilotage.
Le besoin, un « pourquoi »
Un simple « Pourquoi ? » devrait faire l’affaire pour évoquer le besoin.
Dans mes formations, les stagiaires se réunissent par équipe de 3-4 personnes, échangent sur les projets auxquels ils contribuent ou qu’ils pilotent, et en sélectionnent un. Lorsqu’ils expérimentent le cadrage du projet, je note que, très souvent, ils répondent à la question du besoin par le but. J’ai pourtant pris le parti d’évincer le mot « but » de mon outil de cadrage.
Soit ils ne peuvent pas parler de problème dans leur organisation (cela existe encore, plus souvent qu’on ne le croit) soit ils sont repris par le vieux démon du but. Je leur donne alors du « pourquoi » !
Mais « pourquoi » l’organisation ou le client en arrive à lancer ce projet ? Franchement, on n’en a pas besoin de ce produit. D’ailleurs, on ne va quand même pas s’amuser à investir dans ce projet pour juste réinventer l’eau chaude.
Dès lors, le besoin surgit naturellement à travers des formulations négatives là où le but se formulait de façon positive. Nous payons tant de pénalités. Ils ne communiquent pas. Le produit n’est pas évolutif. Nos ventes ont chûté. Il ne reste dès lors plus qu’à rendre tout cela mesurable. Et tout est mesurable…
La dimension humaine et collaborative du besoin
Je voudrais enfin aborder une dimension plus humaine ou plus collaborative de la question du besoin. Il y a dans le « pourquoi » un embryon de réponse qui me permet de comprendre et de me projeter. Cela ne fait pas tout, mais si je sais déjà que nous entreprenons enfin quelque chose pour quitter ces rivages à problèmes. L’espoir naît. Je comprends que sceller mon destin à celui d’Ulysse en me liant moi-même au mât de son navire pour échapper au chant des sirènes peut avoir un intérêt. Bref, nous envisageons de laisser ces problèmes derrière nous ! Certes, il m’en faudra plus pour adhérer à son projet et j’ai encore quelques doutes – ce que nous aborderons dans les autres volets du triptyque du besoin.
Le besoin et le but sont une seule et même chose, formulée distinctement : le besoin de façon négative et le but de façon positive.
Le besoin est un héritage du passé.
Focalisons-nous sur le besoin qui traduit un ou des problèmes, mesurables !
Clarifions en aidant notre client à exprimer son besoin. Confrontons le en reformulant ces propos – peut-être déjà sous forme de problème(s) mesurable(s). Co-construisons avec lui ce fameux besoin qui est à l’origine du projet.
Reprenons à notre compte l’une des lois du Vivant : tout est au commencement. Le commencement, c’est le besoin, pas le but. C’est ici et maintenant et ce n’est pas demain, mais plutôt hier.
Pour la suite, il faudra un peu patienter…
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