Les deux premiers volets du triptyque
A gauche, le volet du besoin
Le besoin et le but sont les deux faces d’une même pièce. Pourtant, ils pourraient sembler irréconciliables tant l’énoncé « j’ai besoin de dormir » semble nier la définition-même du besoin à travers la seule expression d’un but.
En s’interrogeant avec la question « pourquoi« , nous parvenons à exprimer le besoin et à déceler le ou les problèmes sous-jacents. Ainsi, le fait de n’avoir dormi que 2 heures par nuit depuis 8 jours alors qu’il me faut environ 8 heures par nuit pose factuellement la nécessité du but. Le besoin s’exprime donc de façon négative et se formule par un problème mesurable. Il préexiste dans le cas du projet : c’est un héritage du passé. Il justifie l’investissement que représente le projet. Il est déposé sur la table par le Client du projet. Et ce « pourquoi ? » est bien la 1ère question qu’un coéquipier se pose lorsqu’il doit s’engager à contribuer à un projet.
Au milieu, le volet des objectifs
Au milieu du triptyque, le volet des objectifs est en pleine lumière. Avec le besoin, nous étions ancrés dans le passé. Avec les objectifs, nous sommes dans le temps présent du projet.
Les objectifs précisent les résultats à atteindre, qu’il s’agisse d’objectifs intermédiaires ou de l’objectif final – en soi un produit utile. Ils sont eux aussi mesurables.
La logique veut que si les objectifs sont mesurables, les besoins le soient tout autant ! C’est à l’aune de cette exigence que l’on peut déjà apprécier la qualité des objectifs fixés par le Client, et les limites. Bien sûr, de nombreuses questions sont posées (qui ? quand ? combien ?…), mais la question essentielle du temps présent du projet reste le « quoi » faire.
Ouvrons le dernier volet du triptyque : les enjeux
Un objectif stratégique atteint après la clôture du projet
Ce dernier volet est celui des enjeux et répond à la question critique d’un objectif stratégique à atteindre après la clôture du projet.
Souvent, il m’est objecté que les enjeux sont révélés au démarrage du projet par le Client. C’est tout à fait vrai – tout comme le besoin et les objectifs. Du moins devraient-ils l’être… Certains Clients n’y réfléchissent pas forcément ou ne mesurent pas toujours la portée de ce qui est en jeu. D’autres font de la déception sur les enjeux, attendant de savoir s’ils peuvent réellement faire confiance au Chef de projet assis en face d’eux pour lui révéler l’enjeu réel du projet. D’ultimes Clients ne veulent pas forcément que cela se sache. Peu importe ! Si les enjeux doivent être révélés au démarrage du projet, leurs résultats en tant que tels se concrétisent bien après la clôture du projet. Nous en revenons toujours à la définition d’un objectif à atteindre.

Le jeu et l’enjeu
J’en ai assez de perdre continuellement toutes les semaines au craps depuis 8 mois.
Ma séance hebdomadaire commence toujours par des combinaisons perdantes de 2, 3 ou 12. Mon objectif est de prendre la main dès le premier lancer de dés et rafler la mise avec des combinaisons gagnantes de 7 ou de 11.
Evidemment, cet exemple est un doux rêve. Mais il me permet de montrer que ce qui est « en jeu » lorsque vous lancez les dés n’a pas grand chose à voir avec le résultat immédiat. Le résultat du lancer de dés correspond plus à un objectif opérationnel. Ce qui est en jeu est d’un tout autre ordre, c’est que le gagnant bénéficiera d’un repas offert par ses amis dans un restaurant étoilé.
La question du « pour quoi faire »
Chercher les enjeux, c’est tenter de répondre à la question : « pour quoi faire ? » Tout comme le besoin et les objectifs, ils sont mesurables.
L’alignement de ces mesures dans le temps passé (l’idée, le besoin), le temps présent (le projet, les objectifs) et le temps futur (le produit, les enjeux) permet de visualiser une démarche de progression.

Cette démarche mesure au final le succès du projet. En vous projetant dans un avenir lointain, vous pourrez vous retourner et regarder ce projet avec nostalgie en vous remémorant en quoi ce projet a été un magnifique succès… mesurables (ou pas). La collectivité se souviendra du temps béni où elle a arrêté de grever son budget de pénalités pour non atteinte du pourcentage de logements sociaux alors qu’avant même de lancer, le projet elle était à tel pourcentage et payait tant de pénalités.
De la théorie à la pratique
Donner du sens à l’engagement
Mais revenons un peu en arrière, au démarrage du projet ! Le Client dévoile le besoin, les objectifs et les enjeux mesurables. Le Client et le Chef de projet réunissent leurs équipes. Ils les leur présentent.
Incidemment, chaque coéquipier sait désormais « pourquoi » (le besoin) ce projet a été initié, quels sont les résultats concrets attendus durant le projet (les objectifs) et quels sont les objectifs stratégiques attendus au-delà même du projet (les enjeux).
Tout cela fait sens et chaque coéquipuer peut donc plus facilement comprendre la nature de son engagement au bénéfice du projet.
Je note que les mesures de succès sont fondés sur les mêmes indicateurs. Seules les mesures divergent. Partager ces indicateurs clés de bénéfice avec l’équipe, informer les coéquipiers de leur évolution tout au long du projet est crucial.
Brouiller les pistes pour mieux échouer et renier le succès
Prenons l’exemple inverse.
Tracez une frise chronologique avec le passé (l’idée), le présent (le projet) et le futur (le produit). Distribuez à chacun de vos coéquipiers 4 post-it. Chacun comporte un mot différent : but, besoin, objectifs et enjeux. Demandez leur de positionner leurs post-it sous la frise, soit dans le passé, soit dans le présent, soit de le futur.
Je vous garantis que le résultat ressemblera à une salade grecque. Vous verrez notamment que les post-it enjeux seront rarement dans le futur contrairement au but, mais plutôt positionnés dans le passé ou le présent.
De là à dire que les équipes confondent objectifs et enjeux, il n’y a qu’un pas… Pire ! Elles vont tenter d’atteindre les enjeux pendant le projet alors qu’on ne leur demande que de s’en imprégner.
Si l’enjeu est de devenir numéro 1 européen du marché, cet objectif stratégique n’est pas un objectif opérationnel. Par contre, il requiert bien plus d’effort dans le projet que s’il ne s’agissait que de passer dans le TOP50 si je suis actuellement à la 75ème position du marché.
Il est d’autant plus important d’évoquer les enjeux avec l’équipe que les bénéfices commencent à se générer durant le projet, en général durant l’étape de mise en œuvre ou de déploiement du produit. Croire que cette génération est du seul ressort du Client n’est qu’un leurre.
Une clé pour la vision et l’intention
Le triptyque du besoin relie donc les 3 temps du projet :
– Le besoin : le passé, racine du projet et expression des problèmes à résoudre.
– Les objectifs : le présent, cadre du projet et mesure des résultats à atteindre.
– Les enjeux : le futur, projection de la valeur et des bénéfices durables.
Aligner ces 3 dimensions, c’est donner sens, cohérence et direction à l’action collective. Un projet réussi ne se juge pas seulement à la livraison d’un produit, mais à sa capacité à répondre à un besoin réel, à atteindre ses objectifs et à concrétiser ses enjeux dans la durée.
Le triptyque du besoin n’est pas qu’une affaire de gestion et de management de projet. C’est une problématique qui fait également sens pour les managers et leurs collaborateurs.
Il nourrit l’intention et la vision, mais cela est encore un autre sujet que nous aborderons ultérieurement.







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